À l’écart de la cage depuis sa retraite en 2020, Khabib Nurmagomedov reste l’une des voix les plus écoutées du MMA mondial. Dans une série d’interviews accordées à Adam Zubayraev, l’ancien champion invaincu a livré une analyse aussi tranchante que lucide sur les figures du moment : Ilia Topuria, Jon Jones, Khamzat Chimaev, Jack Della Maddalena… mais aussi sur son cousin Umar et son protégé Islam Makhachev. Entre admiration, doutes et convictions fortes, Khabib remet les pendules à l’heure.
Topuria vs Oliveira : une prédiction qui s’est confirmée
Avant le combat tant attendu entre Ilia Topuria et Charles Oliveira, Khabib l’avait annoncé avec une précision froide :
"Oliveira se fait envoyer au tapis à chaque combat, c’est ça son problème. Islam, Gaethje, Chandler, Dustin, ils l’ont tous mis au sol. Mais comparé à ces gars-là, Ilia frappe vraiment très fort."
Pour lui, l’issue ne faisait aucun doute : si Topuria ne gagnait pas par KO, il n’aurait pas les outils pour s’imposer sur cinq rounds. Il avait vu juste.
Jon Jones, une légende... déjà à la retraite ?
Sans détour, Khabib s’est attaqué au mythe Jon Jones. Non pas sur son palmarès, mais sur son activité et son impact actuel :
"Combien de combats a-t-il eus ces cinq dernières années ? Un ou deux ? Même ses derniers combats, contre Santos et Reyes, étaient controversés. Son prime est clairement derrière lui."
Mais l’analyse va plus loin. Khabib questionne l’homme autant que l’athlète :
"Tant que combattant, c’est le meilleur. Mais en tant qu’homme, il y aura toujours des questions. Il a été pris pour dopage. C’est un fait."
“L’héritage, ce n’est pas que le palmarès”
Sur le thème de la postérité, Khabib en appelle à une forme de responsabilité des champions :
"L’héritage, c’est quand les enfants te regardent et se sentent inspirés par toi. Le palmarès, c’est une chose. Mais le caractère, les valeurs humaines, c’est ce qu’on retient vraiment."
Un message à peine voilé à Jon Jones, mais aussi à tous ceux qui confondent domination sportive et exemplarité.
Un changement radical des règles ?
Khabib a aussi proposé une modification fondamentale du format des combats UFC :
"Je supprimerais les rounds. Un round unique de 15 minutes pour les combats classiques, et 25 minutes pour les combats de championnat."
L’objectif : encourager la continuité du combat, éviter les pauses tactiques, et révéler la vraie endurance d’un athlète.
Jack Della Maddalena, plus dangereux que Topuria ?
À la surprise générale, Khabib considère que le plus grand danger pour Islam Makhachev ne vient pas de Topuria, mais de Jack Della Maddalena :
"Il est deux fois plus grand qu’Ilia. Plus massif, plus long, et sa boxe est tout aussi bonne. Si je préparais Islam, je serais plus inquiet pour Jack que pour Ilia."
Un avertissement clair, adressé à ceux qui sous-estiment le calibre de l’Australien.
Chimaev vs Du Plessis : le plan selon Khabib
Khabib a également évoqué le duel potentiel entre Khamzat Chimaev et le champion sud-africain Dricus Du Plessis. Son conseil est simple :
"En boxe pure, Khamzat est meilleur. Mais s’il force trop tôt et ne le termine pas, il brûlera trop d’énergie. Et il en aura besoin dans les rounds de championnat."
Un avertissement tactique plein de bon sens, basé sur son expérience de la gestion de l’effort.
Leçon d’humilité pour Umar Nurmagomedov
Après la première défaite de son cousin Umar, Khabib a choisi de ne pas intervenir directement :
"Je préfère qu’ils traversent ça seuls. S’il en sort plus fort, la victoire n’en sera que plus belle. Sinon, peut-être qu’il n’était pas fait pour être champion."
Un soutien discret mais lucide, dans la lignée de la philosophie transmise par son père, Abdulmanap.
Forme physique : “ce n’est pas du bodybuilding”
Enfin, Khabib a réagi aux jugements portés sur les physiques des combattants avant leurs combats :
"Ce n’est pas ça le MMA. Ce n’est pas le fitness ou le bodybuilding. Ce qui compte, c’est ton cardio, ton timing, ta capacité à enchaîner grappling et striking pendant 25 minutes. Le reste, c’est du décorum."
Et d’ajouter que s’il devait revenir en forme, il lui faudrait au moins six mois de préparation sérieuse. "Je n’ai pas porté de gants depuis cinq ans, mais je lutte tous les jours."
L’avis qui compte toujours
Retraité ou non, Khabib Nurmagomedov reste une référence. Par ses mots, il continue de faire école : lucide, exigeant, ancré dans la réalité du haut niveau. Son analyse du MMA 2025 tranche avec la complaisance ambiante. Dans un sport où les discours sont souvent calibrés, la parole de Khabib reste, elle, affûtée. Comme ses combats.
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